mercredi 7 septembre 2016

"Gibiers d'élevage" et "nous sommes encerclés"

Gens d’ici et Gens d’ailleurs :AJED
« Gibiers d’élevage » et » nous sommes encerclés »
Non, ce titre « Gibiers d’élevage » n’a rien à voir avec le roman publié par KENZABURÔ ÔE,  lauréat du Prix Nobel de la littérature en 1994

Né en 1935 et Prix Nobel de littérature 1994, Kenzaburô Ôé est l’une des figures les plus actives de l’opposition à l’armement nucléaire au Japon. Ses Notes de Hiroshima, publiées en 1965 (et dont la traduction française a récemment été rééditée en poche), ont contribué à faire connaître sa position et le drame des hibakusha dans le monde entier. La catastrophe écologique et humaine de Fukushima lui a donné l’occasion d’élargir cet engagement au rejet du nucléaire civil, sans pour autant omettre de la connecter à la mémoire collective de Hiroshima et Nagasaki, tel qu’on a pu le lire dans les nombreux articles et entretiens qu’il a publiés au lendemain de la catastrophe. Conférencier lors de la manifestation des 50 000 en septembre 2011, c’est encore lui qui, en juin 2012, présenta au premier ministre une pétition pour l’abandon de l’énergie nucléaire rassemblant plus de sept millions de signatures.
Op cit Antonin Bechler, 9 janvier 2013 in La vie des Idées.fr

 Extrait de Wikipedia
1er extrait
La nouvelle Gibier d'élevage prend pour narrateur un jeune garçon, lors de la Seconde Guerre mondiale qui voit la communauté de son village recueillir un soldat noir américain dont l'avion s'est écrasé dans les montagnes. Dans un Japon qui n'est jamais nommé comme tel, au cours d'une période historique que le lecteur identifie sans qu'elle soit explicitement citée, le récit à la première personne fait se confondre description détaillée de la vie quotidienne en haute montagne et allégorie de la représentation d'une société humaine animalisée et barbare. Cette fable tragi-comique sur la désillusion, la cruauté et la quête vaine du paradis perdu, rappelle tout en les subvertissant, les romans d’aventures et la mythologie de l'enfance de Mark Twain

2è extrait 
L’histoire de cette nouvelle se situe dans un village rural pendant la deuxième guerre mondiale. Lorsqu’un avion de l’armée de l’air américaine s’écrase, les habitants du village découvrent que le seul survivant est un soldat noir. Ce dernier inspire la peur car les villageois n’ont jamais vu personne de couleur noire. Il est aussitôt enchaîné. 
    
   "Que pouvait-il faire, à cette heure, dans sa cave? S’il s’échappait de son trou, massacrait tous les habitants et les chiens du village, et mettait le feu aux maisons? Un frisson de terreur parcourut tout mon corps, et je m’efforçai de ne plus penser à cela."
 

    
   La narration est donnée à un adolescent. L’ennemi qui inspire tant de dégoût au début devient source de fascination lorsque ce jeune protagoniste découvre qu’il n’est finalement pas si bête que ça. Ce sont les enfants, pas les adultes, qui vont le soulager momentanément de son incarcération en le libérant parfois. 
    
   Ce court texte est d’une grande sagesse. En quelques pages Ôé aborde tous les aspects de la xénophobie. Il déshumanise l’otage puis le ramène parmi les humains. Microcosme de la guerre, mais aussi en quelque sorte de la société, c’est une œuvre maîtresse de la carrière de Ôé. 

En ce qui concerne Domaine Sérénité CLARENS, nous sommes encerclés par une activité fermière relativement particulière : l’élevage des animaux « sauvages » autres que veaux, vaches, moutons, chevaux, cochons.


En effet, mon voisin Edouard DU PLESSIS cherche à diversifier son activité : abandonner progressivement l’élevage bovin au profit de celui des « animaux sauvages »

Cette reconversion n’est pas récente. Au bord de la route nationale reliant Bethlehem à Clarens, lorsqu’on voir les clôtures hautes de 2m50 électrifiées, on sait que dans ces « camps », les vaches n’ont plus le droit de cité, fini l’élevage extensif de 5 ha par vache.
On aperçoit de loin antilopes, springbok, zèbres, gnous, car malgré la nourriture que les éleveurs fournissent à ces « sauvages » : foins, granulés et blocs de sel, ces bêtes «sauvages » ne se laissent pas approcher facilement.



La lecture de l’hebdomadaire  Weekly Farmer nous apprend que ce type d’élevage peut apporter des résultats financiers appréciables.


Je tente quelques explications de cette nouvelle tendance d’élevage :
1      La vente de viande provenant de ces « gibiers » (Game meat  en anglais) : autruche, impala, bock, gnous…  trouve toujours de débouchés et il semble que ce marché entame timidement son développement prometteur.
Ainsi, la vente de ces bêtes « sauvages »  comme viande de boucherie  peut s’avérer lucrative.

2   Certains parcs d’attraction de type Safari sont à la recherche de certaines espèces d’animaux « sauvages » dont l’amélioration  de la race par croisements se révèle laborieuse. Par exemple pour obtenir un adulte bock (de la famille des cervidés) entièrement albinos blanc, il parait qu’il faut 5 tours de croisement pour parvenir à ce résultat si la chance vous sourit. Et son prix peut atteindre 1.000.000 Rands, environ 55.000-60.000 euros l’unité

Hop, au boulot, les chercheurs de l’INRA (Institut National  de Recherche en Agronomie) en France

3      Le monde entier sait que le nombre des rhinocéros, d’éléphants et de buffles décroit dangereusement par le braconnage (honte aux Chinois, Vietnamiens et d’autres Asiatiques qui vénèrent les vertus aphrodisiaques des cornes des rhinos, honte aux chasseurs de Big Five à la recherche de trophées, et honte aux amateurs des objets sculptés en ivoire), mettant en péril l’existence de ces bêtes, pour ne citer que ces trois espèces figurant sur la liste des Big Five..

Ainsi, le ministère de l’Agriculture, de la Forêt et de la Pêche en RSA a-t-il lancé un programme d’élevage de buffle et de rhinos. Et son service vétérinaire d’imposer des conditions très draconiennes à respecter aux candidats éleveurs: surface vitale par tête de l’animal, contrôle vétérinaire très stricts, conditions de transport et mesures de sécurité pour les humains à observer, bien que rhinos et buffalos ne constituent pas des espèces féroces comme lions et léopards mais seulement assez agressifs

Dès Avril 2015, Edouard a commencé par faire ériger les clôtures électrifiées (game fences) de 2.30-2.50m de hauteur puisque ces cervidés sont capables de franchir aisément les barrières hautes de 1.80-2m. Au total, il aura fait construire presque 15km de clôture, dont le cout s’élève en moyenne à 300.000 rands (environ 18.000-20.000 euros) le kilomètre linéaire

Suivez mon regard : la ligne de la clôture au coucher du soleil


 Et Shingyo cherche à pister les «sauvages » qui font de la résistance.


Au final, ce chantier dure presqu’un an.
En Janvier 2016 : Game fences en cours de construction, créant entre deux enclos un couloir de passage pour nous



Dès le mois de Mai 2015, on voit débarquer progressivement par camions ces cervidés « sauvages »,  achetés aux  éleveurs.



A ce moment là, les clôtures ne sont pas encore électrifiées, et la nuit noire venue, certaines bêtes cherchent à s’échapper soit en passant par-dessous, soit en défonçant la clôture, soit en sautant par-dessus.


Dans cet enclos d’environ 250 ha, aujourd’hui, il semble qu’Ed a parqué pour commencer son business, approximativement 300 bêtes. « Mais c’est de l’élevage intensif ! s’étranglent les « puristes » du village. 


Afin de réduire les tentatives de fuite de ces animaux « sauvages », les gars d’Ed trouvent la parade. Ces sacs en plastique qui sifflent aux vents jour et nuit empêchent les « sauvages » de s’approcher de la clôture.


Août 2015 : seuls veaux et vaches demeurent insensibles aux mélodies émanant des sacs en plastiques




Dire qu’en  Novembre 2013 : quand nous sommes arrivés au domaine Sérénité, certains de ces cervidés étaient encore « sans maître »

Vous apercevez quelques blackboks parmi les vaches 

Le ballet de l’hélico et les garçons vachers des temps modernes

Le 9 Août 2015 :
Un  s.m.s d’Ed à 6 h du matin m’informe que pendant la journée, un hélico survolera nos terrains afin de ramener les bêtes « sauvages » à leurs enclos respectifs.
La raison. Ses employés ont simplement oublié de fermer les grandes barrières métalliques en quittant leur travail le soir.



 Donc les hordes de différentes espèces de cervidés : impalas, springboks, blackboks et  élans se mélangent joyeusement aux gnous et aux zèbres.


Il faut les séparer par « ethnies » puis les ramener en groupe vers leur espaces dédiés.


Ainsi, les vaches seront bien gardées, non !

Il ne manque plus que je courre à perdre haleine comme Cary Grant devant l‘hélico pour crée un semblant de remake de l’affiche « La mort aux trousses » de Hitchcock, l’hélico à la place du mono-moteur

Le principe de la manœuvre :

Le pilote de l’hélico, aidé par les gars au volant des véhicules tout- terrain,
 pousse les « sauvages » vers les barrières ouvertes.

Au total quatre véhicules  guident le pilote par talkie walkies.

Car ça galope à grandes enjambées, ces bêtes sauvages, qui pourtant ne négligent ni des balles de foin, ni les blocs de sel, ni les auges remplies d’eau.

Un autre jour, même manège afin de conduire les troupeaux d’un enclos à l’autre pour le pâturage : c’est-à-dire qu’il faut que les bêtes laissent aux herbes le temps de repousser.
Une sorte de transhumance des temps modernes.  
Et rebelote le ballet de l’hélico rugissant qui virevolte tout la journée dans le quartier.

« Rude journée pour la reine » Betty.

 J’ai déjà vu à Barre des Cévennes les garçons vachers chevauchant des Trials tout terrain, maintenant garçons-vachers en l’air.

On aura tout vu : auxiliaires des vachers à deux jambes, à 4 pattes, puis à deux roues, puis à eux pales.
A quand les vachers en mode plongée sous-marines : avec bouteille, palmes et masques, si un jour certains envisagent d’élever des lamantins ou des Dogons à la place des daurades, soles, barre ou Loup de mer??

A signaler que la « Radio Patate de Clarens » bruisse des rumeurs  selon lesquelles Ed va recevoir des buffalos pour étoffer son « zaffairs ». On dit aussi qu’il a reçu, en Mars-Avril 2016, presque gratuitement, ou à très bas prix, une trentaine de gnous dont l’éleveur souhaitait se débarrasser car ce dernier n’arrivait plus à assurer la viabilité de son commerce faute de foin, et d’eau dues à la sécheresse.
Ah,  la vache El Nina fait des malheureux et des heureux.

Malgré cet encerclement, au Domaine Sérénité, nous avons un petit lot de consolation : nos amis Marie Rose et Patrick, de la Possession, Ile de la Réunion, ont eu grands plaisirs lors de leur séjour à Sérénité en Mai-Juin 2016 de remplir à souhait leur album de vacances avec ces « animaux sauvages » immortalisés en photos à travers les clôtures électrifiées.

Plus besoin de passer une semaine au Kruger National Park, je vous le dis. 


Chez Vinh, dans le Tarn et Garonne :
Pendant ce temps-là, à 10.000km de Sérénité, chez Vinh et Marie, ce jeune daim (ou faon) parfaitement sauvage vient chercher à se nourrir paisiblement sous leur fenêtre 





Connait pas ni de fils électrifiés, ni d’hélico, çui-là.
Mais gare à l’ouverture de la chasse aux gibiers à poils. Hélas, trois fois hélas, oui.